Les résumés

34e Journée du réseau ABC des Psychotraumas 

Quelques avancées au XXIème siècle ?

La thérapie de la reconsolidation (Mélanie Voyer, Psychiatre à Poitiers)

Cette étude a examiné les mécanismes cérébraux qui sous-tendent les effets de la thérapie de reconsolidation (TR) par rapport au traitement par EMDR chez des patients souffrant de TSPT.
Les enregistrements EEG ont été effectués pendant les interventions de la TR et de la thérapie EMDR chez des sujets souffrant d'un TSPT, qui ont bénéficié soit de la TR (n=10), soit de la thérapie EMDR (n=7). Tous les patients ont reçu 6 séances de traitement de chaque méthode thérapeutique, les enregistrements EEG étant effectués pendant les réactivations de la mémoire traumatique lors de la première et de la dernière séance de traitement.
Au cours de la première séance de traitement, le groupe EMDR a enregistré une plus grande activité de la bande thêta dans les régions temporales du cerveau que le groupe TR, et ce dernier a produit des réponses plus importantes des bandes bêta et gamma dans les régions temporo-pariétales droites que le groupe EMDR. Lors de la dernière séance de traitement, une plus grande activation de la bande alpha a été observée dans les régions temporo-pariétales, en particulier à gauche, dans le groupe EMDR par rapport au groupe TR, tandis qu'une plus grande activation de la bande thêta dans la région pariétale médiane a été observée dans le groupe TR.
Bien que la TR ait produit des améliorations cliniques similaires à la thérapie EMDR, les deux approches thérapeutiques semblent avoir des modèles différents d'activité EEG, ce qui suggère que chaque traitement est associé à des mécanismes d'action cérébraux différents. Les spéculations concernant les mécanismes de contextualisation et de distanciation émotionnelle seront discutées en relation avec chaque méthode thérapeutique.

IM3Q : le nouveau questionnaire qualitatif et quantitatif des souvenirs intrusifs pour les patients TSPT (Pascal Roullet & Arnaud Leroy)

La mémoire intrusive est très présente dans le TSPT où les reviviscences de l'événement traumatique sous forme de flash-back, cauchemars, illusions sensorielles sont le cœur véritable de la pathologie.
Même si les symptômes d’intrusion sont au centre de la pathologie, très peu d’études portent sur la mémoire intrusive, ou sur la qualité des symptômes intrusifs dans le TSPT, ou sur l’évolution de ces souvenirs intrusifs au cours du temps ou après une thérapie. Des échelles existent cependant, mais elles sont peu utilisées en recherche et elles ciblent le plus souvent la fréquence des intrusions et n’abordent pas les aspects qualitatifs de cette mémoire intrusive. Pour cette raison, nous avons souhaité développer un nouveau questionnaire avec une approche multi sensorielle du psychotrauma, développant entre autre, les aspects corporels des reviviscences avec une composante cénesthésique.
Ce questionnaire doit pouvoir être utilisé facilement par tous les cliniciens pour réaliser un diagnostic sur les intrusions mnésiques chez leurs patients TSPT. Il doit permettre également de faire très facilement des liens entre la symptomatologie et les contextes et/ou les indices évocateurs de trauma, afin de faciliter le travail psychothérapeutique centré sur le psychotrauma. De plus, pour la recherche clinique, ce questionnaire doit permettre d’étudier l’évolution de cette mémoire intrusive au cours du temps, d'étudier l’efficacité d’une thérapie sur cette mémoire intrusive et de mieux comprendre les propriétés sensorielles des souvenirs intrusifs.
Ce nouveau questionnaire sur la mémoire intrusive est en cours de validation à grande échelle dans plusieurs centres français spécialisés dans le psychotrauma. Au cours de cette présentation, ce nouveau questionnaire appelé IM3Q pour “Intrusive memory: qualitative and quantitative questionnaire” sera présenté en détail. Les premiers résultats de l'étude seront également exposés pour montrer l'intérêt de ce questionnaire pour le clinicien dans son travail quotidien et pour la recherche clinique.

Effet et fonctionnement de la thérapie EMDR sur le cerveau dans le traitement du TSPT (Stéphanie Khalfa, Marion Trousselard, Cyril Herry, René Garcia, Frédéric Canini)

Un des traitements les plus recommandés dans le TSPT est la thérapie EMDR. Bien que cette thérapie ne soit plus à faire la preuve de son efficacité, les mécanismes d’action de celle-ci demeurent encore aujourd’hui à l’état d’hypothèse. L’objectif de notre travail était d’explorer le mécanisme d’action de la thérapie EMDR à travers différents paradigmes en EEG, TEP-scanner et IRMf, en comparant l’activité cérébrale avant et après traitement ou pendant les stimulations bilatérales alternées, dans le modèle humain et dans le modèle animal. Nous avons pu démontrer que la thérapie EMDR modifiait l’activité cérébrale d’un réseau cérébral impliqué dans le traitement émotionnel et la mémoire et d’une structure en particulier, le précunéus. Les stimulations bilatérales alternées qui sous-tendent l’action de l’EMDR activent elles aussi une partie de ce réseau expliquant l’impact de l’EMDR sur la mémoire traumatique.
L’action de l’EMDR semble également nécessiter des modifications de synchronisation / désynchronisation de l’activité des structures du réseau émotionnel pour être efficace. La durée du sommeil paradoxal avant traitement permet quant à elle de prédire le nombre de séances nécessaires pour obtenir la rémission.
Via l’action des stimulations bilatérales alternées, l’EMDR semble agir sur un réseau de structures capables de modifier la mémoire traumatique. L’activation de ce réseau pourrait reposer sur le phénomène de résonance stochastique permettant l’extension et la modification du réseau de mémoire traumatique par synchronisation neuronale.

La thérapie EMDR dans le traitement du deuil pathologique (Pascale Amara)

La prise en charge psychothérapeutique des troubles du deuil est actuellement un domaine qui tend à s’émanciper d’attitudes thérapeutiques basées sur des postulats cliniques anciens. Ces postulats restaient centrés sur la perte et la question du désinvestissement de la relation au défunt pour s’ouvrir à de nouveaux liens, mais ne développaient pas la question de l’héritage psychique du défunt comme ressource à mobiliser. Or l’importance thérapeutique du réaménagement psychique du lien au défunt apparait de façon récurrente dans les résultats cliniques obtenus dans la thérapie EMDR de patients souffrant de troubles du deuil. L’hypothèse soutenue est que l’ensemble des représentations psychiques issues de la relation au défunt est un support d’étayage pertinent à prendre en compte dans la psychothérapie des endeuillés. La revue de littérature sur l’évolution des approches thérapeutiques recommandées et émergentes du deuil complexe et persistant, intégrant notamment la théorie de l’attachement et une potentielle dimension psychotraumatique, converge dans cette direction : des dispositifs de communication interne avec le défunt sont proposés, par exemple à travers des jeux de rôle ou des rituels. La spécificité de l’EMDR est triple : les dimensions traumatiques et relationnelles du décès, classiquement séparées dans la psychothérapie des endeuillés, se traitent en même temps ; la dynamique de réaménagement psychique du lien au défunt est majoritairement spontanée ; les productions psychiques observées, portant le changement thérapeutique, sont parfois très vivides et étranges, ce qui évoque l’hypothèse d’une forme de fonction onirique à l’état de veille à l’œuvre dans la thérapie EMDR. Nous proposons une métaphore à visée psychoéducative – « la mémoire vivante du disparu » - comme outil clinique pour mobiliser, si nécessaire, cette réalité psychique internalisée dans la phase de préparation (phase 2) et qui peut être rappelée en phase de désensibilisation (phase 4) pour faciliter le retraitement de souvenirs douloureux.